Détail sur les conditions de recevabilité et d’actions du syndic. Précisions sur le contenu des délibérations prises.

Christian Atias Avocat

1.- L’article 55 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 subordonne la recevabilité de l’action en justice engagée, par le syndic, au nom du syndicat des copropriétaires, à une décision d’assemblée générale l’y autorisant. Bien des litiges portant notamment sur la responsabilité des constructeurs de l’immeuble ont buté sur l’interprétation rigoureuse donnée à cette disposition.

Si l’article 18 de la loi n. 65-557 du 10 juillet 1965 attribue, au syndic, la qualité requise pour représenter le syndicat en justice, et par conséquent pour introduire une instance en son nom, il n’en a pas en général – sous réserve des exceptions de l’alinéa 2 de l’article 55 du décret – le pouvoir ; une décision majoritaire (art. 24, L. 65.- art. 11-I-8°, D. 67) est requise.

2.- En l’absence de cette autorisation, l’action est irrecevable. L’assignation est nulle pour irrégularité de fond. Si la décision d’autorisation est annulée, le cas échéant à la demande du défendeur, s’il est copropriétaire, une fin de non-recevoir s’oppose à la demande. Dans le premier cas, c’est le juge de la mise en état qui doit être saisi de l’exception de nullité ; après son dessaisissement, le moyen deviendrait irrecevable pour le défendeur.

3.- Dans un premier temps, les juges se contentaient volontiers de constater que les copropriétaires avaient manifesté, explicitement ou non, la volonté de sauvegarder leurs intérêts en engageant l’action au nom du syndicat.

4.- Dans un deuxième temps, ils se sont montrés beaucoup plus rigoureux. Ils exigeaient que la nature et l’objet de l’action intentée par la personne morale soient précisés dans la décision d’autorisation. Les défendeurs à l’action devaient également être connus des copropriétaires, ou au moins identifiables par eux, et mentionnés dans l’autorisation majoritaire.

Une résolution, rédigée en termes très compréhensifs et généraux, n’était pas toujours jugée insuffisante. La seule référence, dans la décision d’autorisation, « à l’objet des actions en référé et au fond intentées par le syndic » a été jugée inopérante (Cass.3ème civ., 2 février 2005, Loyers et coprop. 2005, n. 99, obs. Vigneron.- Comparer Cass.3ème civ., 22 mai 1997, Bull.civ. III, n. 112). « Ni les informations ultérieurement données aux copropriétaires sur les désordres faisant l’objet de la procédure, ni les précisions contenues dans l’assignation ne pouvaient remplacer l’indication des désordres devant figurer dans l’habilitation préalable donnée par l’assemblée générale » (Cass.3ème civ., 4 décembre 1996, Bull.civ. III, n. 230, J.C.P. 1997, II, 22.788, obs. Djigo.- Cass.3èmeciv., 30 juin 2009, n° 08-16.232.- Cass.3ème civ., 14 juin 1989, Bull.civ. III, n. 137.- Comparer Cass.3ème civ., 28 février 2007, Administrer, 2007, juin, n° 400, p. 54, obs. Bouyeure). En particulier,

Les décisions étaient fondées sur des considérations formelles, et non sur l’appréciation du consentement donné par la majorité à l’action intentée au nom du syndicat.

5.- Aujourd’hui, les désordres donnant lieu à l’action contre les constructeurs doivent toujours être précisés (Cass.3ème civ., 4 décembre 1996, Bull.civ. III, n. 230.- Cass.3ème civ., 12 novembre 1988, Loyers et copr. 1988, n. 509.- Cass.3ème civ., 14 février 1990, Bull.civ. III, n. 50.- Cass.3ème civ., 10 octobre 1990, Bull.civ. III, n. 182.- Cass.3ème civ., 11 mars 1992, Bull.civ. III, n. 83.- Cass.3ème civ., 17 juillet 1996, Bull.civ. III, n. 195.- Cass.3ème civ., 19 juillet 1995, Bull.civ. III, n. 189.- Cass.3ème civ., 28 juin 1995, Bull.civ. III, n. 159.- Cass.3ème civ., 22 mai 1997, Bull.civ. III, n. 109.- Cass.3ème civ., 22 mai 1997, Bull.civ. III, n. 112.- Cass.3èmeciv., 6 juillet 2010, n° 09-66.588). Une autorisation donnée pour une action ne peut être étendue à une action distincte (Cass.3ème civ., 18 juin 2008, n° 07-14.738, Bull.civ. III, n. 107).

Toutefois, actuellement, les juges sont revenus à plus de mesure dans leur appréciation.

Ils ont admis que les précisions requises pouvaient résulter du renvoi à un rapport d’expertise, présenté aux copropriétaires. « L’ordre du jour de l’assemblée générale des copropriétaires comportant l’autorisation à donner au syndic pour ester en justice au fond pour des désordres immobiliers » et « la rubrique « affaire décennale et malfaçons » du rapport d’activité présenté par le syndic en cours de séance informant les copropriétaires de l’existence de désordres consécutifs à la corrosion des tuyauteries d’eau chaude », l’autorisation « donnée au vu de ce rapport mentionnant expressément la corrosion des canalisations », les exigences réglementaires ont été tenues pour satisfaites (Cass.3ème civ., 12 décembre 2001, Bull.civ. III, n. 148).

« En décider autrement reviendrait d’une part, à subordonner l’habilitation à des conditions que ce texte d’ordre public n’a pas prévues, ce qui n’est pas dans les pouvoirs de la Cour, et d’autre part à exiger de l’assemblée générale qu’elle identifie à la fois les désordres et les constructeurs impliqués, ce qui n’était pas non plus dans ses pouvoirs, puisque l’expert lui-même n’a pu dire qui avait réalisé les drains au bout de huit années d’expertise et que les deux experts judiciaires ne s’accordent pas pour décrire tous les désordres. Il convient d’observer de surcroît que les copropriétaires présents lors de l’assemblée générale ont pu prendre connaissance de l’exacte situation procédurale grâce aux explications de leur conseil qui n’a pu manquer d’expliciter et de commenter l’assignation introductive de la présente instance qui venait d’être délivrée trois jours plus tôt sous sa constitution à l’initiative de plusieurs d’entre eux et de leur syndicat » (Aix-en-Provence, 10 mai 2001, R.G. n. 95/16322.- Aix-en-Provence, 3ème Ch., 9 mars 2000, Rép.Not.Defrénois, 2001, art. 37.341, n. 24, p. 454).

Des décisions ont explicitement relevé que « l’analyse de la pertinence et de la validité de l’autorisation doit être faite au regard de son intelligibilité par les copropriétaires qui doivent pouvoir se prononcer en toute connaissance de cause » (Aix-en-Provence, 4ème Ch. A, 2 octobre 2009, n° 2009/327.- Comparer Cass.3èmeciv., 6 mai 2009, Administrer, 2009, août-septembre, n° 424, p. 56, obs. Bouyeure.- Cass.3èmeciv., 5 mai 2009, Administrer, 2009, août-septembre, n° 424, p. 57, obs. Bouyeure).

Une délibération présentée en termes généraux peut être admise dans certaines espèces au moins ; il avait été admis qu’elle permettait d’agir contre toutes les personnes ainsi évoquées (Cass.3ème civ., 17 février 1988, n° 86-16.747, Bull.civ. III, n. 36, Gaz.Pal. 1988, 2, Somm., p. 319, note Souleau). Une autorisation mentionnant « la garantie décennale des constructeurs » autorise à assigner les assureurs au titre des polices « responsabilité décennale » (Cass.3ème civ., 17 février 1988, précité.- Cass.3ème civ., 31 mars 2004, n° 02-19.114, Bull.civ. III, n. 65).

La Cour de cassation semble prête à aller plus loin. C’est seulement si l’autorisation est délivrée pour agir contre une personne nommément désignée, que l’assignation ne pourra viser utilement une autre personne (Cass.3ème civ., 14 novembre 1991, D. 1992, 342, note Giverdon et Lecharny). Le Juge du droit a retenu, dans une action dirigée contre les constructeurs, qu’il n’est pas « indispensable que la décision désigne les personnes contre lesquelles l’action (est) exercée » (Cass.3èmeciv., 6 juillet 2010, n° 09-66.588.

Cette nouvelle position est beaucoup plus cohérente. Dès lors que le défaut d’autorisation majoritaire constitue une irrégularité de fond, et non de forme, il n’y a pas lieu de raisonner comme si une stricte formalité devait être accomplie. Ce qui importe seulement, c’est que l’action n’ait pas été engagée contre la volonté des copropriétaires.