nouvelle obligation d’informer les salariés de la possibililtié de présenter une offfre de reprise

INFORMATION DES SALARIES AVANT TOUTE CESSION DE LEUR ENTREPRISE

 

Les articles 18 à 20 de la loi sur l’économie sociale et solidaire (Loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014, JO du 1er août, p. 12666, dite « Loi Hamon II » ou « Loi ESS », loi qui modifie profondément le secteur des OSBL, c’est-à-dire des organismes sans but lucratif, tels les associations, fondations, fonds de dotation, etc.) créent un dispositif d’information des salariés des petites et moyennes entreprises en vue de leur permettre de racheter leur entreprise dès lors qu’elle serait en vente (A. Couret et V. Delage, L’obligation pour le cédant d’informer les salariés de sa volonté de céder le contrôle de l’entreprise, JCP E 2014, Étude 1434). Le dispositif est double. Est ainsi mise en place tant une information périodique (tous les trois ans) qu’une information en cas de projet de cession de l’entreprise.

 

D’abord, l’article 18 précité indique qu’« un dispositif d’information des salariés sur les possibilités de reprise d’une société par les salariés est instauré à destination de l’ensemble des salariés des sociétés de moins de deux cent cinquante salariés soumises au livre II du code de commerce.

Cette information est organisée au moins une fois tous les trois ans et porte, en particulier, sur les conditions juridiques de la reprise d’une entreprise par les salariés, sur ses avantages et ses difficultés, ainsi que sur les dispositifs d’aide dont ils peuvent bénéficier.

Le contenu et les modalités de cette information sont définis par un décret qui prend en compte la taille des entreprises concernées ».

Il s’agit de l’information périodique. Sont concernées toutes les sociétés commerciales de moins de 250 salariées, autrement dit les PME ayant entre 1 et 249 salariés, mais pas les PME au sens du droit de l’Union européenne puisque ces dernières doivent avoir, outre un effectif inférieur à 250 salariés, également un total de bilan n’excédant pas 43 millions d’euros ou un montant hors taxe de chiffre d’affaires n’excédant pas 50 millions d’euros.

 

Ensuite et surtout, les articles 19 et 20 instaurent une obligation préalable et directe d’informer les salariés en cas de projet de cession d’entreprise, que l’entreprise soit une exploitation individuelle, en cas donc de vente de fonds de commerce (art. 19 ; art. L. 141-23 à L. 141-32, C. com.), ou alors en cas de cession de droits sociaux (art. 20 ; art. L. 23-10-1 à L. 23-10-12, C. com.).

Nombre de dispositions sont communes aux deux formes de cession (cession de fonds de commerce et cession de droits sociaux).

 

Est ainsi opéré une distinction selon que l’entreprise a moins de cinquante salariés et entre cinquante et deux cent quarante neuf salariés.

 

D’une part, si elle a moins de cinquante salariés, c’est-à-dire qu’elle n’a pas l’obligation de mettre en place un comité d’entreprise en application de l’article L. 2322-1 du Code du travail (art. L. 141-23 à L. 141-272, C. com. ; art. L. 23-10-1 à L. 23-10-6, C. com.), ou si elle a entre cinquante et deux cent quarante neuf salariés mais qu’elle n’est pas dotée d’institution représentative du personnel (procès-verbal de carence à l’appui), les salariés sont informés du projet de cession de l’entreprise, au plus tard deux mois avant la cession. Lorsque le propriétaire du fonds de commerce n’en est pas l’exploitant, l’information sera notifiée à l’exploitant et le délai de deux mois courra à compter de cette notification. L’exploitant du fonds portera alors sans délai cette notification à la connaissance des salariés en les informant qu’ils peuvent présenter au cédant une offre de rachat. Lorsque le propriétaire est exploitant, il notifiera sa volonté de céder directement aux salariés en les informant de leur possibilité de lui présenter une offre de rachat et ledit délai court à compter de cette notification. Lorsque la cession porte sur des parts sociales ou des actions, il appartiendra au représentant légal de la société d’informer les salariés. La cession peut intervenir avant l’expiration du délai de deux mois dès lors que chaque salarié a fait connaître au cédant sa décision de ne pas présenter d’offre. La cession intervenue en méconnaissance de cette obligation peut être annulée à la demande de tout salarié. L’action en nullité se prescrit par deux mois à compter de la date de publication de l’avis de cession du fonds ou de la date de la publication de la cession des titres ou de la date à laquelle tous les salariés en auront été informés.

 

Ne sont pas concernées les cessions intervenant en cas de succession, de liquidation du régime matrimonial ou de cession du fonds ou de la participation à un conjoint, à un ascendant ou à un descendant, c’est-à-dire les transmissions familiales. Ne sont pas non plus concernées les cessions intervenant dans le cadre d’une procédure de conciliation, de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires.

 

D’autre part, si l’entreprise a entre cinquante et deux cent quarante neuf salariés, c’est-à-dire qu’elle est dans l’obligation de mettre en place un comité d’entreprise en application de l’article L. 2322-1 du Code du travail (et des délégués du personnel) et qu’elle se trouve, à la clôture du dernier exercice, dans la catégorie des petites et moyennes entreprises au sens de l’article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, à savoir qu’elle réalise un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 50 millions d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 43 millions d’euros, le cédant des titres ou du fonds de commerce devra notifier sa volonté de céder à la société ou à l’exploitant du fonds. Le chef d’entreprise ou l’exploitant portera cette notification à la connaissance des salariés, au plus tard en même temps qu’il procède à l’information et à la consultation du comité d’entreprise, en application de l’article L 2323-19 du Code du travail. Lorsque le propriétaire du fonds de commerce en est l’exploitant ou le chef d’entreprise dans les

cessions de titres, il notifiera directement sa volonté de céder aux salariés (art. L. 141-28, al. 1 à 3, et art. L. 23-10-7, al. 1 et 2, C. com.).

 

Lorsque l’entreprise a entre cinquante et deux cent quarante neuf salariés, on retrouve les mêmes éléments que lorsqu’elle a moins de cinquante salariés, à savoir la nullité de la cession en cas de non-respect de cette obligation d’information et à la demande d’un ou plusieurs salariés dans le délai de deux mois de publication de l’avis, l’assistance aux salariés, leur information par tout moyen, et leur obligation de discrétion (qui elle n’est pas sanctionnée en cas de violation).

Cela étant, il y a des divergences selon qu’il s’agit d’une cession de fonds de commerce ou d’une cession de droits sociaux.

 

Tout d’abord, concernant les cessions de fonds de commerce, le champ d’application du dispositif est très large. En effet, même si elles ne sont pas concernées, bien entendu, par l’information périodique à délivrer tous les trois ans, seules les sociétés ayant moins de deux cent cinquante salariés l’étant, toutes les cessions de fonds de commerce sont touchées par la mesure, hormis évidemment les exclusions légales, à savoir le transmissions familiales et les cessions dans les procédures collectives.

 

Cependant, l’obligation étant insérée dans le Code de commerce à la suite des textes relatifs à la cession de fonds de commerce, elle ne semble concerner ni les fonds libéraux ni les ruraux/agricoles, sauf à ce que les parties décident contractuellement de s’y soumettre, ce dont on peut douter. Elle ne semble pas non plus concerner les fonds artisanaux, encore que ces derniers étant souvent absorbés par le droit commercial et donc traités de la même manière que les fonds de commerce, on peut penser que la mesure les concernera également.

 

Pour autant, aussi large soit-elle, cette obligation d’information ne paraît s’appliquer qu’en cas de cession. C’est dire qu’en cas d’apport, qu’en cas de transmission (universelle de patrimoine), de fusion, scission, APA, etc., dans toutes ces hypothèses l’obligation d’information préalable des salariés n’a a priori pas à être respectée. Il en va de même concernant les cessions de droits sociaux.

 

En matière de cessions de titres, le législateur a été à la fois plus précis et plus vague, étant rappelé que les sociétés PME sont concernées par l’obligation d’information périodique triennale.

 

Plus précis en ce qu’il est venu indiquer que cette obligation d’information ne concerne que les cessions d’une participation représentant plus de 50 % des parts d’une SARL et les cessions d’actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital d’une société paractions (SA, SAS ou société en commandite par actions). La SARL ou la société par actions devra soit ne pas être tenue d’avoir un comité d’entreprise (moins de 50 salariés), soit, si elle est tenue d’en avoir un (au moins 50 salariés), occuper à la clôture du dernier exercice moins de 250 salariés et avoir un chiffre d’affaires n’excédant pas 50 millions

 

d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 43 millions d’euros. Mais, pour les SARL, ce ne sont que les cessions de plus de 50 % des parts sociales qui sont soumises à l’information des salariés. Dans les sociétés par actions, en revanche, la condition est plus vague puisqu’il ne sera pas nécessaire que la cession concerne plus de la moitié du capital. Il suffira qu’elle confère la majorité de celui-ci.

 

Au vrai, concernant les sociétés, étant donné que l’ingénierie est illimitée, énormément d’hypothèses peuvent poser problème (A. Couret et V. Delage, art. cit., spéc. § n° 11 et s.).

Une importante question se pose concernant le domaine des opérations en cause et surtout des sociétés concernées. Seules sont concernées les SARL, SA et SAS, à l’exclusion donc des SNC, SCS et SCA. De plus, seules les sociétés nécessitant que les associés répondent à des conditions de qualification professionnelle semblent concernées. Autrement dit, seules les sociétés commerciales des professions libérales réglementées seraient visées. Le texte en effet dispose que l’obligation d’information est applicable « à la cession d’une participation dans une société soumise à une réglementation particulière prescrivant que tout ou partie de son capital soit détenu par un ou plusieurs associés ou actionnaires répondant à certaines conditions en termes notamment de qualification professionnelle, sous réserve :

1° Soit qu’un au moins des salariés pouvant présenter l’offre d’achat remplisse les conditions requises ;

2° Soit que la cession ne porte pas sur la partie du capital soumise à la réglementation et détenue par l’associé ou l’actionnaire répondant aux conditions requises » (art. L. 23-10-4 et L. 23-10-10, C. com.).

 

Ainsi, seraient seules touchées les sociétés des professions libérales dans lesquelles la majorité du capital doit être détenue par des professionnels en exercice. Et seraient autant concernés les professionnels libéraux qui ont constitué une structure directement commerciale, tels les architectes, les experts-comptables, les conseils en propriété industrielle, etc., que ceux qui ont recours à la SEL pour pouvoir exercer sous une forme commerciale (avocats, notaires, laboratoires de biologie médicale, etc.).

 

Toutefois, étant donné que ces nouvelles dispositions sont insérées dans un titre relatif à toutes les sociétés commerciales, il est à craindre que le champ d’application du dispositif soit en réalité plus large que les seules sociétés des professions libérales, et qu’il concerne toutes les sociétés commerciales. D’autant que pareille précision restrictive ne se retrouve pas dans les cessions de fonds de commerce ; tous les fonds de commerce sont concernés et pas seulement certains fonds de certaines professions.

 

Il reste un point de discussion : que faut-il entendre par cession ? Les textes en effet obligent une information des salariés deux moins avant la cession. A s’en tenir à la lettre, les promesses ne semblent pas visées, pas plus que les ventes sous condition suspensives. Seules seraient donc concernées les « closings » et autres formes de réitérations. Mais, encore une fois, rien n’est sûr en la matière.

 

Une chose est sûre en tout cas. Cette nouvelle loi devrait être source d’un contentieux très abondant et très important – comme celle sur les baux commerciaux par exemple – puisque les cessions qui ne respecteraient

pas ladite obligation d’information sont susceptibles d’être annulées. Heureusement que ce texte n’entre en vigueur que pour les cessions conclues trois mois au moins après la date de publication de la présente loi (art. 98), soit à partir du 2 novembre 2014. Il faudra patienter un peu avant d’impulser le contentieux ! En attendant, on pourra se consoler avec le fait que cette nouvelle obligation d’information n’est qu’une obligation d’information, et absolument pas un droit de préférence. Les salariés n’ont aucun droit de préférence ou droit de préemption sur le fonds de commerce ou les droits sociaux, même s’il a été un temps question lors des débats sur le vote de la loi de créer un tel droit. Pour autant, cette seule obligation d’information risque de retarder, compliquer et alourdir les cessions à venir, ce qui n’est vraiment pas opportun dans un contexte de crise économique.