L’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives [1] a fait entrer dans le giron du droit des entreprises en difficulté une nouvelle procédure dite de rétablissement professionnel sans liquidation[2]. Particulièrement adaptée aux débiteurs impécunieux[3], cette procédure, à la fois rapide et simplifiée, leur offre l’opportunité d’un nouveau départ. Même si son ouverture est subordonnée – notamment – à la bonne foi du débiteur[4], d’aucuns redoutent l’effet d’aubaine que suscitera cette purge des dettes qui pourrait transformer cette nouvelle procédure en « machine à blanchir les débiteurs marrons »[5].

Eligibilité. – L’ouverture de la procédure de rétablissement professionnel est subordonnée à plusieurs conditions nées de la combinaison des articles L. 645-1 et L. 645-2 du Code de commerce. Seules peuvent en bénéficier les personnes physiques de l’alinéa 1 de l’article L. 640-2, c’est-à-dire toute personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, tout agriculteur, toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé. En sont donc exclus les personnes morales de droit privé, l’EIRL et les débiteurs décédés ou ayant cessé leur activité.
Le débiteur ne doit pas faire l’objet d’une procédure collective en cours, ni être impliqué dans une instance prud’homale en cours, ni avoir fait l’objet, depuis moins de cinq ans, au titre de l’un quelconque de ses patrimoines, d’une procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d’actif ou d’une décision de clôture d’une procédure de rétablissement professionnel ( Art. L. 645-2 ).
Le débiteur ne doit pas avoir employé de salarié au cours des six derniers mois.
L’actif déclaré du débiteur doit avoir une valeur inférieure à un montant fixé par décret en Conseil d’Etat. Le montant reste à déterminer mais il devrait être suffisamment bas pour concerner plus de 20 000 procédures par an.

Procédure. – Le débiteur qui demande l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire peut, par le même acte, solliciter l’ouverture de la procédure de rétablissement professionnel ( Art. L. 645-3 ). Après avis du ministère public, et après s’être assuré que les conditions sont remplies, le tribunal ouvre la procédure pour une durée de 4 mois, désigne un juge commis – chargé de recueillir tous renseignements sur la situation patrimoniale du débiteur, notamment le montant de son passif et la valeur de ses actifs – et, pour assister le juge commis, un mandataire judiciaire ( Art. L. 645-4 ).
En cours de procédure, une conversion en procédure de liquidation judiciaire est envisageable dans quatre hypothèses : s’il est établi que le débiteur n’est pas de bonne foi ( ce qui rapproche cette nouvelle procédure de la procédure de rétablissement personnel du Code de la consommation ), si l’instruction a fait apparaître l’existence d’éléments susceptibles de donner lieu aux sanctions prévues par le titre V du livre VI du Code de commerce ou à l’application des dispositions régissant les nullités de la période suspecte, s’il apparaît que les conditions d’ouverture de la procédure de rétablissement professionnel n’étaient pas réunies à la date à laquelle le tribunal a statué sur son ouverture ou ne le sont plus depuis et, enfin, si le tribunal est saisi en ouverture de la procédure de liquidation judiciaire sur requête du ministère public ou par assignation d’un créancier ou par le débiteur.

Les effets de l’ouverture de la procédure de rétablissement professionnel. – Ils sont finalement assez éloignés de ceux de l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire.
L’ouverture n’emporte pas suspension des poursuites et des voies d’exécution. L’article L. 645-6 évoque seulement la faculté pour le débiteur, mis en demeure ou poursuivi par un créancier au cours de la procédure, de demander au juge commis de reporter le paiement des sommes dues dans la limite de quatre mois et ordonner, pour cette même durée, la suspension des procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier.
L’ouverture n’emporte pas dessaisissement du débiteur mais le mandataire judiciaire se voit confier la mission de « faire tous les actes nécessaires à la conservation des droits du débiteur » ( Art. L. 645-7 ).
Les créanciers n’ont pas l’obligation de déclarer leur créance. C’est le mandataire judiciaire qui informe sans délai les créanciers connus de l’ouverture de la procédure et les invite à lui communiquer, dans un délai de deux mois à compter de la réception de cet avis, le montant de leur créance avec indication des sommes à échoir et de la date des échéances ainsi que toute information utile relative aux droits patrimoniaux dont ils indiquent être titulaires à l’égard du débiteur ( Art. L. 645-8. ).

Clôture. – La procédure prend tout son intérêt lorsqu’elle est clôturée. La clôture de la procédure de rétablissement professionnel entraîne l’effacement des dettes du débiteur.
Pour être effacée, la dette doit être née antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure, avoir été portée à la connaissance du juge commis par le débiteur et avoir fait l’objet de l’information prévue à l’article L. 645-8 ( Art. L. 645-11 ). Notons que cette dernière exigence risque de profiter au créancier taisant. Ne peuvent au contraire être effacées les créances postérieures, les créances des salariés, les créances alimentaires, les créances résultant d’une condamnation pénale du débiteur, les créances résultant de droits attachés à la personne du créancier et la créance de la caution ou du coobligé qui a payé au lieu et place du débiteur.
Si, une fois la procédure clôturée, il apparaît que le débiteur a obtenu le bénéfice de cette procédure par une description incomplète de son actif ou de son passif, le tribunal, s’il est saisi aux fins d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire, peut fixer, dans son jugement, la date de cessation des paiements à la date d’ouverture de la procédure de rétablissement professionnel sans qu’elle puisse être antérieure de plus de dix-huit mois à la date de ce jugement. La décision du tribunal fait recouvrer leurs droits aux créanciers dont les créances avaient fait l’objet de l’effacement. C’est « l’effacement de l’effacement »[6]. Ces créanciers sont par ailleurs dispensés de déclarer ces créances à la procédure de liquidation judiciaire.

[1] F.-X. Lucas, Présentation de l’ordonnance portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives, BJED 2014, p. 111 ; A. Lienhard, Réforme du droit des entreprises en difficulté : présentation de l’ordonnance du 12 mars, D. actu 17 mars 2014, P.-M. Le Corre, Premiers regards sur l’ordonnance du 12 mars 2014 réformant le droit des entreprises en difficulté, D. 27 mars 2014, 733.

Sur le projet, V. B. Brignon, Projet d’ordonnance portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives, JCP, éd. E, 2014, act. 99, 1re partie ; JCP, éd. E, 2014, act. 123, 2e partie.

 

[2]F.-X. Lucas et M. Sénéchal, La procédure d’enquête pour le rétablissement professionnel, D. 2013. Chron. 1852 ; Ph. Roussel Galle, Le rétablissement professionnel : de l’effacement des dettes au rebond, Gazette du Palais, 08 avril 2014 n° 98, p. 32.

[3] La loi la loi d’habilitation n° 2014-1 du 2 janvier 2014 la destinait à permettre « de couvrir les frais de procédure et … faciliter la clôture pour insuffisance d’actif lorsque le coût de la réalisation des actifs résiduels est disproportionné ».
[4] Ce qui éloigne d’ailleurs cette nouvelle procédure de nos procédures collectives « classiques » pour l’ouverture desquelles la mauvaise foi du débiteur n’est pas un obstacle.

 

[5] F.-X. Lucas, préc., p. 112 .

 

[6] P.-M. Le Corre, préc., n° 44.