Le copropriétaire n’est pas traité comme un véritable propriétaire. Les conditions de protection de la copropriété font du principe majoritaire le préalable à l’action en justice.

Professeur Christiant ATIAS Avocat

1.- L’une des particularités importantes du statut de la copropriété des immeubles bâtis est d’associer étroitement la propriété privée individuelle et la collectivité soumise au principe majoritaire.

2.- En général, un propriétaire peut toujours agir en justice contre celui qui a méconnu ses droits ; sa qualité de propriétaire suffit pour rendre son action recevable, même s’il n’a pas subi de préjudice.

Dans une certaine mesure, en copropriété, la propriété indivise des parties communes est démembrée au profit du syndicat des copropriétaires. Le titulaire d’une quote part indivise ne peut s’en prévaloir pour défendre ses droits à l’encontre des tiers. Son titre ne suffit pas dès lors que l’auteur de l’atteinte à la propriété n’est pas un copropriétaire ; son action n’est recevable que s’il est en mesure d’établir qu’il a subi un préjudice propre. A défaut, seul le syndicat peut agir (Cass.3èmeciv., 13 septembre 2006, n° 05-14.478.- Cass.3èmeciv., 27 février 2002, n° 00-13.907, Bull. civ. III, n. 52.- Cass.3ème civ., 22 septembre 2004, n° 03-12.066, Bull.civ.. III, n. 155.- Cass.3ème civ., 6 décembre 2006, n° 05-17.908, Loyers et coprop. 2007, n. 35, obs. Vigneron.- Comparer Cass.3ème civ., 29 janvier 2003, n° 01-10.743, Bull.civ. III, n. 19) ; l’action est réputée lui appartenir, en dépit des termes de l’article 15 de la loi n. 65-557 du 10 juillet 1965. Le copropriétaire n’est donc pas traité comme un véritable propriétaire.

4.- De même, la propriété exclusive des parties privatives est indirectement démembrée au profit du syndicat des copropriétaires. L’article 9, alinéa 1, de la loi de 1965 dispose, en effet, que « chaque copropriétaire… use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne (pas) porter atteinte à la destination de l’immeuble » ; et l’assemblée générale a qualité pour veiller au respect de celle-ci.

3.- Les juges recherchent un équilibre entre la propriété individuelle et le principe majoritaire qui régit la collectivité. La répartition de la propriété de l’immeuble entre plusieurs personnes a d’importantes répercussions sur la défense de la propriété de chacun. Le principe majoritaire semble prévaloir sur la propriété ; celle du copropriétaire ne s’apparente pas à la propriété d’une maison individuelle.

En particulier, il est souvent jugé que, pour pouvoir utilement reprocher au syndicat d’avoir méconnu sa propriété, un copropriétaire doit avoir préalablement usé des possibilités que la loi et le décret lui accordent. La défense de la propriété est subordonnée au principe majoritaire et à ses conséquences.

4.- S’il entend imputer au syndicat la faute de n’avoir pas pris une initiative qu’il est estime indispensable à la sauvegarde de ses intérêts, le copropriétaire demandeur en justice doit, par exemple, avant d’agir en justice, avoir saisi l’assemblée générale en faisant inscrire la question à l’ordre du jour (art. 10, D. n. 67-223 du 17 mars 1967).

Le copropriétaire qui prétend engager la responsabilité du syndicat doit préalablement avoir tenté de provoquer l’adoption de la décision qu’il reproche, à ce syndicat, de n’avoir pas prise (Aix-en-Provence, 4ème Ch. A, 23 mars 2007, n° 2007/150.- Cass.3èmeciv., 26 sept. 2007, n° 06-18.305). Sa carence lui est opposée.

5.- Un copropriétaire se voit généralement refuser l’indemnisation du dommage que lui aurait causé une assemblée générale régulière, voire simplement non contestée (Cass.3èmeciv., 17 novembre 2004, n° 03-11568). Il devait en obtenir l’annulation pour pouvoir engager la responsabilité du syndicat. L’action en responsabilité ne peut être intentée pour contourner l’obligation de contester la décision majoritaire dans les conditions légales.

6.- Un copropriétaire qui ne paie pas la part des charges qui lui incombe, et prive ainsi le syndicat de la trésorerie nécessaire, ne peut lui reprocher d’avoir tardé à effectuer des travaux (Cass.3èmeciv., 13 décembre 1995, n° 94-12.703, Bull. civ. III, n. 258) ; sa propre faute est à l’origine du dommage dont il sollicite réparation.

7.- Le copropriétaire qui a provoqué l’illégalité commise par le syndicat, par exemple, le président du conseil syndical qui a convoqué, sans titre, ni qualité (faute d’avoir respecté les exigences de l’article 8 du décret de 1967), l’assemblée générale à défaut de syndic, ne peut prétendre se soustraire au délai de déchéance légale imparti pour contester une décision d’assemblée générale (Cass.3èmeciv., 15 janvier 2003, n° 01-14.955, Bull. civ. III, n. 3).

De même, pour rejeter sa demande en annulation des décisions d’une assemblée générale convoquée par l’ancien syndic dont les fonctions avaient cessé, il peut être reproché, à un copropriétaire, de n’avoir pas sollicité la désignation judiciaire d’un nouveau représentant du syndicat (Cass.3èmeciv., 4 janvier 1978, n° 76-12.713 : 1er moyen).

8.- Les membres du syndicat ne peuvent faire mettre, à la charge du précédent syndic qu’ils avaient refusé de désigner à nouveau, sans élire un autre syndic qui avait présenté sa candidature, les frais occasionnés par la nécessité de s’adresser à la justice pour faire désigner son successeur (Cass.3èmeciv., 24 oct. 2006, n° 05-18.930).

9.- L’harmonisation de la propriété individuelle et de l’organisation collective reposant sur le principe majoritaire s’opère clairement en considérant que la saisine du tribunal présente, en quelque sorte, un caractère subsidiaire. Le fonctionnement de l’assemble générale et les possibilités qu’il donne à chaque copropriétaire devraient permettre d’éviter le contentieux.

La mise en œuvre du principe majoritaire a pour fonction de dégager une position commune ; le décompte des voix doit mettre fin aux divergences d’opinions, la minorité se soumettant aux décisions qui, comme telles, s’imposent à elle tant qu’elles n’ont pas été annulées (Cass.3èmeciv., 29 avril 1987, n° 85-18.656, Bull. civ. III, n. 94.- Cass.3èmeciv., 9 mars 1988, n° 86-17.869, Bull. civ. III, n. 54.- Cass.3èmeciv., 30 mars 1989, n° 18.759, Bull. civ. III, n. 78.- Cass.3èmeciv., 10 octobre 1990, n° 88-19.999, Bull. civ. III, n. 183.- Cass.3èmeciv., 6 juillet 2005, n° 04-13.659, Loyers et coprop., 2005, n. 185, obs. Vigneron.- Cass.3èmeciv., 6 octobre 2004, n° 03-13.133, Bull. civ., III, n. 165.- Cass.3èmeciv., 14 décembre 2004, 03-18.566.- Comparer Cass.3èmeciv., 6 février 2002, n° 00-19.132, Bull. civ., III, n. 32.- Cass.3èmeciv., 3 novembre 2009, n° 08-12.770.- Paris, pôle 4, Ch. 2, 8 septembre 2010, R.G. : 09-11.700, Administrer, 2010, novembre, n° 437, p. 58, obs. Bouyeure).

Le juge ne peut intervenir, en général, que pour apprécier la validité d’une décision ; il ne peut donc être saisi avant que le syndicat n’ait été mis en mesure de la prendre.